Bouilloire et théière traditionelles japonaises sur une table basse en bois avec trois petits verres transparents

Cérémonie du thé japonaise : histoire, principes, déroulement, et tradition

La cérémonie du thé japonaise (chanoyu (茶の湯), sadō (茶道) ou chadō (茶道)) est un rituel durant lequel un maître du thé prépare et consomme du matcha avec ses invités selon des principes bouddhistes et shintoïques.

Elle est devenue, au fil du temps, une véritable philosophie dont l'essence se retrouve dans le terme "théisme", concept inventé par l'intellectuel Okakura Kakuzō dans son Livre du thé au début du 20e siècle.

Bien que le matcha soit le thé de mise dans la plupart des cérémonies, certaines s'organisent également avec du sencha (appelée senchadō, la voie du sencha).

Cet article couvre l'histoire, les outils, le déroulement, le cadre, et les principes de la cérémonie du thé japonaise.

Bouilloire et théière traditionnelles japonaises sur une table basse en bois avec trois petits verres transparents
Image by proths from Pixabay

Histoire

Selon A. L. Sadler, l'origine du thé remonte aux moines Zen chinois qui le consommaient pour éviter de s'endormir lors de leurs séances de méditation.

Il se répandit petit à petit dans la société civile et ce fut durant la dynastie Tang (618 - 907) que Lu Yu, un auteur et maître du thé fortement influencé par le bouddhism, écrivit la première monographie appelée Ch'a Ching (Le Classique du thé).

Le livre, qui contient dix chapitres, détaille les origines, lieux de cultivation, outils, processus de fabrication, propriétés, et même des anecdotes sur le thé de l'époque.

Le premier à pratiquer la cérémonie du thé fut l'empereur Shōmu Tennō (724-749) lorsqu'il récompensa, avec un bol de matcha, une centaine de prêtres ayant chanté des sutras en son honneur.

L'intérêt pour le thé disparut du Japon après cela. Il ne fut ravivé que par le moine Eisai au 12e siècle, qui l'utilisait pour les rituels religieux dans les monastères.

C'est d'ailleurs par ce biais que le thé se diffusa dans le pays et devint, au fil du temps, associé au luxe et aux classes sociales hautes de la société japonaise.

Le thé prit un essor au 15e siècle lorsque le shogun Ashikaga Yoshimasa (1435-1490) l'intégra à part entière dans ses activités culturelles, le transformant en une forme d'art basée sur le principe du wabi-sabi (侘寂) introduit à la même époque par le prêtre zen Murata Jukō.

Considéré comme le créateur de la cérémonie de thé, Jukō fut le premier à l'associer à un courant spirituel et philosophique. Il modifia la cérémonie en remplaçant le service d'or, de jade et de porcelaine chinois par des outils simples et sobres en bois et en argile plus proche du wabi-sabi.

Basé sur la beauté de l'imperfection, de l'impermance et de la simplicité, le wabi-sabi est une esthétique s'inspirant des principes zen bouddhistes.

Ces idées furent reprises par Takeno Jōō (1502-1555) qui les enseigna à Sen no Rikyū (1522 - 1591), l'un des personnages les plus importants de la cérémonie du thé.

Intérieur d'une maison construite pour la cérémonie du thé.
Intérieur d'une maison construite pour la cérémonie du thé. Source.

Né en 1522, Rikyū codifia de nombreuses pratiques et esthétiques associées au rituel. C'est lui qui construisit la salle de cérémonie avec, dit-on, une porte si basse que même l'empereur devait se baisser pour entrer afin de rappeler aux participants l'importance de l'humilité.

Il travailla notamment pour Oda Nobunaga (1534 - 1582), l'un des trois grands unificateurs du Japon, qui utilisa la cérémonie du thé comme instrument politique pour projeter une image de force et de puissance, participant à sa popularisation.

Ces innovations permirent à la cérémonie du thé d'évoluer d'un hobby à la fameuse "Wabi-cha", un rituel imprégné des principes d'harmonie, de révérence, de pureté et de tranquillité du wabi-sabi.

A noter que bien que les principes mêmes du wabi-sabi étaient connus depuis longtemps, l'invention du terme (ou plus exactement, l'association des mots wabi et sabi) pour les exprimer est créditée à Kobori Enshu, fondateur de l'atelier de poterie japonaise Asahiyaki, dans l'Uji (vers 1600).

Les petits-enfants de Rikyū continuèrent dans les traces de leur grand-père et fondèrent les écoles de thé Omotesenke, Urasenke, et Mushakōjisenke, ce qui eut pour effet de propager la cérémonie du thé à travers tous les échelons de la société japonaise. À la fin du 16e siècle, tous le monde buvait du thé au Japon.

Le 17e siècle vit le théisme intégrer des aspects du Bushidō, la voie du guerrier, qui mit l'accent sur la discipline, la simplicité et la loyauté durant la période d'Edo (1603-1868). Diverses écoles continuèrent de se développer.

Le thé est aujourd'hui au cœur de la culture et de la philosophie japonaise. Sadler compara même le rôle du théisme dans la culture japonaise à celui du christianisme dans la société occidentale.

Plus qu'un simple rituel, il fut et reste un véritable véhicule de transmission culturelle, pilier sur lequel se développa l'histoire, les valeurs, et la philosophie du peuple japonais.

Principes fondamentaux

La cérémonie du thé japonaise est guidée par quatre principes fondamentaux. Ceux-ci informent l'entièreté du rituel, de la sélection des ustensiles au comportement de l'hôte et de ses invités.

  1. Harmonie (Wa) : l'hôte arrange le décor afin de créer une ambiance harmonieuse entre les invités et l'environnement, le thé et même les ustensiles utilisés.
  2. Respect (Kei) : Le respect est au cœur des interactions entre l'hôte et les invités mais également entre ceux-ci et les objets utilisés.
  3. Pureté (Sei) : Le rituel prévoit le nettoyage des ustensiles et de la salle pour symboliser l'élimination des impuretés.
  4. Tranquillité (Jaku) : Le but de la cérémonie du thé est d'atteindre un état de paix intérieure et de tranquillité.

Le cadre

La cérémonie du thé se passe généralement dans un chashitsu (茶室), une salle spécialement conçue pour la cérémonie du thé avec des tatamis et des portes coulissantes conformément aux principes vus ci-dessus. On y trouve également un tokonoma (床の間), qui s'apparente à un bac de fleurs.

Il est recommendé de porter un kimono.

Chashitsu, maison spécialement créée pour la cérémonie du thé.

Chashitsu, maison spécialement créée pour la cérémonie du thé. Source.

Les ustensiles

L'ensemble des ustensiles utilisés pour la préparation et la bonne conduite de la cérémonie se nomme dogu (道具).

Ceux-ci sont toujours choisis en fonction du principe d'harmonie.

  • Chawan (茶碗) : Le bol à thé.
  • Chasen (茶筅) : Le fouet en bambou utilisé pour mélanger le matcha.
  • Chashaku (茶杓) : La cuillère en bambou utilisée pour mesurer le matcha.
  • Natsume (棗) ou Chaire (茶入) : Le pot à thé utilisé pour conserver le matcha.
  • Kensui (建水) : Le bol à eaux usées.

Déroulement de la cérémonie

Le déroulement de la cérémonie (appelé chaji (茶事)) dépend de l'occasion, de la saison, mais aussi de l'école dont l'hôte fait partie. Une cérémonie complète dure généralement plusieurs heures et suit les étapes suivantes.

  1. Préparation : L'hôte prépare la salle de thé et sélectionne les ustensiles qui seront utilisés.
  2. Entrée et purification : Les invités sont accueillis avec un rituel de purification durant lequel ils se lavent les mains et se rincent la bouche. Les objets non-essentiels sont laissés dans le lobby.
  3. Accueil: Lorsque les invités (au nombre maximum de cinq) sont prêts, ils ferment la porte avec un bruit signalant à l'hôte qu'il peut à présent entrer.
  4. Kaiseki : Les invités se voient offrir un repas léger.
  5. Service du Koicha : Le premier thé préparé est un matcha épais connu sous le nom de koicha.
  6. Intermède (Nakadachi) : Pause pendant laquelle les invités quittent la salle.
  7. Service d'Usucha : Le second thé est un matcha plus liquide, connu sous le nom d'Usucha.
  8. Fin : La cérémonie se clôture avec l'hôte et les invités exprimant leur gratitude mutuelle.

Conclusion

La cérémonie du thé japonaise est une pratique culturelle alliant préparation et dégustation de thé aux principes philosophiques bouddhistes zen.

Elle est un pilier de la culture japonaise grâce auquel les valeurs de simplicité, respect, et modestie ont pu se répandre dans l'archipel.

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